
Vous faites de la musique depuis des années. Pourquoi faire cet album maintenant?
Je suis musicien depuis un certain temps, mais cela ne fait pas longtemps que j’écris des chansons. Le concept même d’album est encore tout nouveau pour moi... Cela m'intimide presque. J’ai fait un disque parce que ma mère m’a dit de le faire. Jusqu’ici, je grattais ma guitare dans mon coin. Elle m’écoutait avec attention, et lorsqu’elle m’a donné ce conseil, j’ai jugé bon de le suivre !
Comment est né Dolphin Forever Love ?
Je me suis donc retrouvé à enregistrer un album, mon album, du début jusqu’à la fin. J’ai simplement savouré l’ambiance, ce qui se passait. Sans aucune stratégie, sans aucune idée en tête. Une seule chose était sûre, je ne voulais pas qu’il fasse plus d’une heure. Arrivé à 60 minutes, j’ai tout arrêté ! En fait, ce n’est pas un album, mais une compilation des chansons que j’estimais les plus convaincantes, et que j’ai placées dans un ordre bien précis.
Pas trop difficile de monter sur scène quand on est timide ?
Etrangement, je me sens vraiment naturel sur scène, et tout passe à une vitesse infernale. J’ai été très inquiet au début, et j’ai vite appris que plus tu jouais, plus tu apprenais. Aujourd’hui, je me sens en symbiose avec mon public. Cela me rend heureux pour plusieurs jours.
Vous semblez très heureux...
L’art, c’est la vraie vie. Je fais ce dont j’ai toujours rêvé sans même le savoir, je ne pourrais pas être plus heureux! Pour le reste, je me tiens éloigné de l’industrie de la musique, je ne change surtout pas d’amis… Je ne veux pas accorder trop d’importance à ce qui n’en mérite pas.
Texte: Sophie Rosemont Photo: Philippe Mazzoni
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Quand êtes-vous arrivé sur Paris ?
ANDY GILL: Ce matin, de Bruxelles. J’aime cette ville : dans les bars, on peut fumer tranquillement. Je n’y croyais vraiment pas, j’étais impressionné quand je suis arrivé là-bas. John me rejoint demain et nous allons à Berlin. Mais bon, c’était mieux quand il y avait le Mur…
Dans l’ensemble, c’était mieux avant ?
ANDY: Dans les années 70, c’était la crise, il y avait beaucoup de grèves en Angleterre. Le gouvernement a mis du temps à régler ces problèmes. À l’époque, nous étions pauvres, nous vivions dans des villes de merde. Des villes charbonnières, dont tout les boulots sont partis en Asie. L’extrême droite montait en puissance, il y avait beaucoup de chômeurs. Ils cherchaient la bagarre avec nous car nous étions des musiciens, des homosexuels, des artistes bohémiens.. C’était un peu Il était une fois dans l’Ouest, avec une atmosphère encore plus sombre et violente.
Et puis il y a eu les années 90…
ANDY: Depuis les années 90, tout a été reconstruit et tout a brillé. Les années qui ont suivi les eighties, les gens ont gagné beaucoup d’argent. Mais là, l’argent disparaît à nouveau. Et la politique se doit d’être austère, calculatrice, précautionneuse. Nous sommes tous impliqués dans les problèmes de ce monde capitaliste, nous y sommes tous impliqués. Car tout le monde possède un compte en banque, n'est-ce pas? Rien n’est vraiment simple, et nous ne pouvons nous contenter d’une analyse marxiste dépassée aujourd’hui.
Pensez-vous toujours faire des protest songs ?
ANDY: Dans un sens, oui ! Même si tout le monde ne le reconnaîtra pas.
Vous êtes devenus des icônes, beaucoup vous ont copié… comme les Red Hot Chili Peppers?
ANDY: C’est vrai, le son de la guitare, le rythme des percussions… Les Red Hot se sont bien servis ! Tiens, j’ai rencontré une fois Flee à Londres, et il m’a charrié en me demandant pourquoi je ne les avais pas poursuivis. Peut-être que j'aurais du?
Etes-vous un groupe dit politique ?
ANDY: Si on oublie la politique et si on ne fait que décrire ce que l’on voit, on n’aborde pas les choses intéressantes. Je ne parle pas de cœurs brisés. Notre but est vraiment d’éviter les clichés… pas comme Coldplay. C’est trop adolescent pour moi. Même si Gang of Four ne sera jamais la bande-son d’une pub pour un parti, et que nous nous ne lèverons jamais le drapeau rouge sur scène, nous essayons simplement de comprendre comment les choses fonctionnent.
Texte: Sophie Rosemont Photo: Philippe Mazzoni
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Bonjour Adam. Comment ça va ?
Je passe deux jours à Paris et ce soir, je repars à Londres avant de rentrer à New York. Et je serai de retour en janvier pour la sortie de l’album. Je suis content d’être là, l’Hôtel Amour est cool et la nourriture y est très bonne.
Comment s’est fait Minor Love?
Minor Love a été enregistré à Los Angeles sur les collines d’Hollywood. Nous sommes restés dans cette maison pendant 4 semaines. Je dormais au studio quasiment tous les jours. Avec Noah Georgeson qui a travaillé sur l’album avec moi, nous avons carburé sur le tracking. C’est la première fois que je joue de la batterie sur un album, ce qui contribue à donner un son différent à l’enregistrement.
Après une passe difficile, comment t’es-tu motivé à faire ce nouveau disque ?
L’été dernier, je devais écrire de la musique pour une pièce allemande, basé sur une nouvelle de Paul Auster. Le tout était très porté sur la musique classique… et compliquée ! C’était un exercice de style auquel je m’étais plié pour ce projet. J’ai donc approché l’enregistrement de Minor Love de façon très simple. C’était très libérateur de simplement jouer de la guitare comme un musicien de folk lambda.
Comment réussis-tu à manager une orchestration si riche avec une production si épurée ?
C’est plus lié à la technique que j’ai acquise au fil du temps, car il y a au moins quatre enregistrements, tous faits séparément. C’était mieux d’introduire chaque instrument par des séquences de cinq secondes, par exemple avec de la clarinette, puis avec de la batterie. Nous avons aussi utilisé une Tympanie à la place d’une batterie lambda. Et utilisé quelques autres artifices…
Ce qui peut donner un côté d’autant plus authentique…
Tout à fait. Très jeune, j’ai abordé la musique comme un travail d’art plutôt que de la musique pop. Je n’ai pas été élevé avec la radio, pas du tout, mais par des tonnes de disques, les miens et ceux de mes parents. J’écoutais aussi beaucoup de musique psychédélique… que j’apprécierais différemment maintenant. Ce qui ne veut pas dire que je prenais des champignons hallucinogènes, attention !
« Lockout » possède un petit côté klezmer non négligeable, non ?
Oui, j’ai écouté de la très bonne musique en Hongrie, j’y ai vu de très bonnes prestations live. Mais niveau influences, Thelonious Monk et Django Reinhardt sont très importants pour moi. Ils ont particulièrement affecté mon approche de la guitare, notamment pour des solos. Même si je ne brille pas par ma technique !
Comment écris-tu tes chansons ? Avant ou après la composition ?
En chantant, il suffit que je sois dans le mood et cela devient une chanson. Un café, une clope et on se laisse aller. Sur Minor Love, un quart des chansons n’était pas encore fini au moment de l’enregistrement. Parfois je sortais pour aller dans mon sanctuaire, c’est-à-dire ma chambre, et tout collait parfaitement à mon retour.
L’humour est-il toujours aussi important à tes yeux ?
Oui, l’humour reste, mais le poids des années transparaît. J’ai fait une psychothérapie, j’ai été mal, très mal, j’ai même du passer quelques jours chez mes parents. Ils sont adorables, mais c’est terriblement dur d’être avec eux...
Toutes ces expériences donnent-elles d’avantage de sens à l’album ?
C’est important qu’il y en ait, toujours. D’ailleurs un album ne doit pas être craché comme du vomi. Le disque doit être un cadeau pour l’auditeur. Je peux admirer le rock noisy, par exemple, mais ce n’est pas mon truc. Je préfère la technique lyrique et la poésie, lorsqu’il n’y a pas de distorsion.
Pourquoi ce titre, Minor Love ? Rapport à l’art mineur dont parlait Serge Gainsbourg ?
« Minor » pour que les gens sachent que ces chansons ne sont pas effrayantes – même si elles peuvent signifier beaucoup. Il n’y a de rapport direct avec Gainsbourg, bien que je le connaisse, et que j’aime beaucoup son travail… D’ailleurs il peignait, je crois, comme moi.
Quel type de peinture t’influence ?
J’aime Raoul Duffy, Goya, Fernand Léger, le fauvisme, le pop art, les cartoons, les peintres hollandais du XVIIe. Ah, et Francis Bacon, bien sûr !
Tu es venu à Paris en septembre 2009 pour un concert avec Carl Barât, au centre Pompidou… Comment c’était ?
Je suis très déçu de ne pas avoir été aussi bon que prévu. À la troisième chanson, j'ai perdu ma voix. Mon groupe et moi avons changé le programme que nous avions répété et au dernier moment, nous sommes passés en acoustique. Et puis j’ai du emprunter une guitare car la mienne était cassée. Tout ça mélangé à un peu d’alcool… Je veux vraiment faire mieux la prochaine fois… Bref, le principal est que Carl ne m’en veuille pas aujourd’hui.
Quelles sont les chansons de Minor Love qui t’ont le plus marqué ?
D’abord « Breacking Locks », enregistrée avec un vieux microphone pour la radio, je voulais lui donner un cachet country song. J’ai utilisé le hand radio des camionneurs. Pour « Don’t Call Me Uncle », je suis allé dans le désert. J’étais accompagné d’un musicien qui voulait voir les terrains de golfs dans le désert d’Arizona… mais personne ne joue du golf ! Bob Marley et les Wailers ont été une grande source d’inspiration pour « Goblin ». Quant à « It’s A Coming Down Song », c’est ce qui définit la fin de quelque chose. La chanson dévoile le secret de mon dégoût de la cocaïne…
Comment définir ton travail ?
J'écris pour me relaxer. Pour me satisfaire. C’est comme une pulsion, comme lorsque je me masturbais plus jeune… mais en plus élaboré.
Texte: Sophie Rosemont Photo: Philippe Mazzoni
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